Données synthétiques en santé : la passerelle pour déployer l’IA en entreprise sans violer le RGPD
85 % des projets d’IA dans la santé échouent faute d’accès aux données réelles. Entre le secret médical, la souveraineté numérique et la pression réglementaire (RGPD, AI Act), les entreprises voient leurs initiatives IA bloquées avant même le premier POC. Les données synthétiques changent la donne : générées artificiellement mais statistiquement fidèles, elles permettent de développer, tester et valider des algorithmes sans exposer les patients. Cet article décrypte le concept, illustre trois cas d’usage concrets et livre une feuille de route opérationnelle pour les décideurs santé.
1. Qu’est-ce qu’une donnée synthétique ?
Une donnée synthétique est une observation artificielle, créée par un modèle génératif (GAN, diffusion, LLM). Elle conserve la distribution statistique des données d’origine sans copier les individus réels.
- Anonymisation : on retire les identifiants directs (nom, NIR). Risque de ré-identification élevé.
- Pseudonymisation : on remplace les identifiants par un code. Toujours soumis au RGPD.
- Synthèse : on recrée des patients « fictifs ». S’ils respectent des tests de confidentialité (distance statistique, membership inference), le risque est quasi nul.


2. Trois cas d’usage qui parlent aux dirigeants
Cas | Bénéfice business | Exemple concret |
---|---|---|
Renforcer un bras contrôle d’essai clinique | −50 % de patients réels ⇒ −30 % de coût et recrutement accéléré | Roche (2021) a simulé un bras contrôle grippe avec des données synthétiques pour réduire la taille de cohorte |
Former / valider un modèle de diagnostic IA | Aucun transfert de données patient ⇒ time-to-market ↘ | Qure.ai utilise des radios thoraciques synthétiques pour améliorer le dépistage de la tuberculose |
Tester un logiciel hospitalier | Évite l’accès au SNDS production ⇒ conformité RGPD native | Le Health Data Hub propose un notebook de jeux synthétiques pour tester des API FHIR |
3. Ce que dit la réglementation
« Les données synthétiques peuvent constituer une mesure de minimisation conforme à l’article 5-1c du RGPD, dès lors qu’elles ne permettent plus d’identifier une personne physique. »
– CNIL, note technique “IA & Données Synthétiques”, février 2025
- RGPD : viser la distance de Wasserstein < 2 % ou un ε-differential privacy < 1 pour démontrer qu’aucun individu réel n’est ré-identifiable.
- AI Act : si le jeu synthétique est prouvé « sans lien » avec les personnes, le système est classé low-risk ; reportings plus légers.
- Garanties contractuelles : clause de non-ré-identification + audit annuel du fournisseur de génération synthétique.
4. Étude de cas – Alia Santé
La start-up française Alia Santé a levé 12 M€ en avril 2025 pour générer des « patients virtuels » destinés aux biotechs. Leur pipeline :
- Curage de données d’hôpitaux partenaires (1,4 M de séjours – Hôpital Georges-Pompidou, CHU Lille).
- Apprentissage hybride GAN + diffusion pour reproduire le parcours patient (codes CIM-10, biologie, imagerie).
- Post-processing CNIL : métriques KL divergence, Membership Inference Attack.
- Distribution via API sécurisée : 100 k faux patients générés/heure.
Résultat : deux clients pharma ont réduit le délai de démarrage d’essai clinique de 6 mois à 10 semaines et économisé 22 % sur leur budget données.
5. Feuille de route en 5 étapes pour une PME/ETI
- Cartographier vos jeux de données (EHR, LIMS, imagerie, pharmacovigilance).
- Choisir la techno : open-source (SynthCity, SDGym) ou SaaS (Mostly AI, Alia Santé API).
- Lancer un pilote 6 semaines :
- Jeu de 100 k lignes synthétiques
- KPI « utilité » : F1 diagnostic vs données réelles (écart < 5 %)
- KPI « privacy » : re-identification risk < 0,01 %
- Validation juridique & Data Governance Board.
- Industrialiser (MLOps, monitoring divergence statistique trimestriel).
6. Checklist express – êtes-vous prêts ?
- Vos contrats prévoient-ils une clause « irreversible transformation » ?
- Avez-vous un responsable “Data Protection by Design” identifié ?
- Savez-vous mesurer la distance entre jeu réel et synthétique ?
- Avez-vous défini un seuil d’utilité minimal (ex. ±5 % vs vrai jeu) ?
- Avez-vous prévu un plan de retrait si un risque de ré-identification est prouvé ?